Peter ! Peter Fawks ! Cette autre voix qui crie ton nom dans les rues sales de Londres. Cette voix d’homme qui te déteste, qui te traite comme du bétail. Toi, petite âme damnée qui fait de ton mieux pour obtenir des minutes pour les autres. Toi qui es exploité sans vergogne, qui déteste cette vie et qui voit sans cesse des injustices déchirer ce monde. Tu en as marre de ce monde, tu aimerais le voir en cendres. Toi qui portes le poids de ton monde sur tes frêles épaules qui rêvent d’un jour où leurs vies entières seraient à ta merci.
Peter ? T’es sûr de toi ? Plus que jamais. Tu regardes l’homme à côté de toi, celui qu’on qualifierait comme étant ton ami. À tes yeux il n’est pourtant rien de plus qu’une pièce sur le grand échiquier de ta vie. Sûr ? Tu l’étais. Tu souris et il a peur. D’un geste presque insolent, tu tends ton bras à l’homme en face de toi qui récupère presque toutes les minutes qu’ils te restent à vivre. Assez pour voir le résultat des courses. Dans la vie, il faut savoir tout risquer pour gagner, ou pour perdre. Mais toi, ce jour-là, c’est le premier jour de ta nouvelle vie.
Monsieur Fawks je vous en prie ! Cette femme te supplie de lui laisser un toit, de lui laisser une chance. Mais tu as échangé ton cœur contre un gros paquet de minutes. La vie est une farce et tu en comprends maintenant les rudiments. L’argent gagné à la bourse t’a permis d’ouvrir ta petite entreprise, que tu as complètement liquidé en en vendant chaque petit bout à prix d’or. Regrettes-tu d’avoir mis des gens sur la paille ? pff. Toi tu deviens riche. Tu repousses cette femme qui te rappel ta mère. Elle devrait t’inspirer de la pitié, mais en avait-elle pour toi lorsque petit tu te débâtais les pieds dans la boue ? Tu la laisses mourir, tu la laisses voir ces dernières minutes, partir en éclats tandis que les tiennes ne cessent d’augmenter.
Bienvenue dans notre monde Monsieur Henry Dewilde. Tu regardes fièrement les papiers de ta nouvelle vie. On n’imagine pas tout ce qu’il est possible de faire sur le marché noir. Bien sûr, tu pourrais tout perdre mais qu’importe ! Plutôt perdre la vie que d’être à jamais l’homme que tu étais. Aujourd’hui tu as un nouveau nom, une nouvelle identité, un nouveau passé et la vie qui t’attend sont exactement celle que tu as voulue toujours posséder.
Monsieur Dewilde, on dit que vous allez révolutionner le monde ? Les informations, les médias, le monde ne parlent que de toi. Dewilde, Dewilde… On te présente des jeunes femmes respectables qui veulent toutes passer sous les projecteurs mais ça ne t’intéresse pas. Tu as toujours été le genre d’homme à savoir comment faire des profits. Tu as ça dans le sang. Et puis tu as réfléchi ; et si le monde entier, ne dépendait plus que de toi ? Toute ta vie tu as vu ces gens se faire agresser et voler leurs minutes. Il a toujours été si simple de voler le temps d’un autre… Alors tu t’es dit, et si je devenais le gardien de ce temps ? Le maître du temps n’est pas homme facile à contacter. Mais tu t’es mis à ses genoux et tu lui as vendu ton âme. Comment aurait-il pu ignorer que tu étais un escroc ? Le maître du temps sait tout. Une loyauté sans failles en échange d’une infinité de temps. Et tu as souri. Comme ce jour-là. Tu étais sûr de toi.
Dewilde, Dewilde… Nom presque murmuré. Tu as battu un empire et conquérit en tyran le monde dans lequel tous nous vivons. Chaque transaction, chaque versement est soignement enregistré dans tes petits ordinateurs. Chaque enfant venant au monde à Kâlä doit passer par chez toi pour être enregistré et recevoir son temps offert jusqu’à sa majorité. Tu connais toutes les personnes vivantes ici et tu connais toutes les âmes jumelées qui vivent sous le regard du maître. Tu portes un poids énorme. Mais tu aimes ça. Tu contrôles leur vie comme s’ils étaient des marionnettes. Personne ne te contredit. Personne ne te tiens tête. Sauf elle.
Henry qu’elle murmure suavement sous les draps. Henry mon amour… J’attends ton enfant. Voilà maintenant 1 an que tu vis avec ton grand amour à Amsterdam. Tu as laissé ta petite entreprise aux bons soins de ton assistant. Les minutes s’amassent pour toi et celle que tu aimes sans que vous n’ayez à vous en soucier. Un voyage de noces bien long dont tu chéris les moindres minutes. Une nouvelle vie. Un lieu qui ne t’inspirait pas mais que n’aurais-tu pas fait pour celle qui t’étais destinée ? Sa ville natale, son passé, son histoire. Elle ne sait rien du tien, seulement ce que tu racontes à tous. Aujourd’hui tu es Henry Dewilde, et à jamais, ce nom te collera à la peau.
Monsieur Dewilde, nous avons le regret de devoir vous annoncer la mort tragique de votre épouse. Tu hurles, tu brises tout sur ton passage. NON, NON c’est IMPOSSIBLE. Tu agresses le policier devant toi et ses collègues sont obligés de te maitriser. Tu n’acceptes PAS cette nouvelle. Vous deviez être immortelle ! Le temps n’avait pas de prise sur vous ! RIEN n’aurait dû vous séparer. JAMAIS. Tu fonds en larmes, tu pleures, tu ne supportes pas. Ta respiration se brise, ton souffle est court. Pourquoi ? Comment ? Un incendie. Pourquoi était-elle là-bas ? Pourquoi n'étais tu pas avec elle ? C’est TA faute. TU devais la protéger. TU devais veiller sur elle. Tu as mal au crâne, tu ne peux PAS accepter. Tu menaces les hommes qui n’ont pas su éteindre l’incendie, tu te promets de faire de leur vie un cauchemar, un enfer. Tu tiendras paroles. Dieu sait que tu le feras. Et tu te fiches des conséquences. Tu n’as jamais eu froid aux yeux. Quitte à perdre la vie, autant que ce soit spectaculaire. Mais eux, EUX, tout le monde les aura oubliés avant même que leurs souffrances ne prennent fin. Mais avant tout, il y a elle. Tes larmes et ta colère cessent à la seconde où tu penses à l’enfant qui ne comprend pas ce qui se passe dans la chambre voisine. Ta douce Astrée. Il est tant de rentrer.
Monsieur Dewilde, nous sommes heureux de vous revoir. Ton majordome t’accueille en noir, il a appris la nouvelle. Le domaine qui était le tien a été modifié sous tes ordres. Il doit être somptueux et infranchissable pour quiconque n’aurait été invité. Tu dois la protéger. Rien ne doit lui arriver. Et pour cette raison, tu ne feras pas deux fois la même erreur. Tu sais et tu surveilles son âme jumelée jusqu’à ce que tu trouves une solution. Tu dois la trouver. Tu es intelligent, brillant et puissant. Rien ne doit t’arrêter. Les âmes jumelées, cette question t’attire, te fascine et t’empêche de dormir la nuit. Comment supprimer ce lien invisible ? Tes nuits sont courtes, tu t’enfermes dans ta solitude. Avec le temps, les gens n’osent plus venir te voir, n’ose plus d’importuner, n’ose plus te parler. Qu’est-ce que la vie humaine dans le fond ? Les gens sont faibles et manipulables. Tu n’as aucune estime pour eux. Tant que ton entreprise fonctionne et ravis le maître il te laisse faire ce que tu veux, sans doute sait-il déjà la réponse à la question qui te ronge l’âme sans vouloir te la donner. Mais tu DOIS trouver la réponse. Tu DOIS la sauver elle. Ta belle Astrée. Astrée sera sauvée de son âme jumelée, tu t’en ai fait la promesse et s’il le faut, tu y laisseras ton dernier souffle. Et sans aucun scrupules, le leurs aussi...